jeudi 1 septembre 2016

Rupture




L’heure était à la rupture, à la contrition figurative, au geste crématoire….
J’avais perdu contre moi-même, sans résistance, sans appel à l’aide, sans ironie.
Un peu plus tard, on me retrouvera errant dans les rues de la vieille ville  comme un singe sur une aire d’autoroute.
Pourtant, la journée avait bien commencé. Le beau s’était levé avec le soleil et la silhouette de la vie semblait de bonne humeur.
Mais c’était jour de grande marée et la lune a tout renversé.
La structure des arbres, le gémissement du vent, le regard et le souffle des chiens.
Pourtant, Dieu que je vous aime.

mardi 30 août 2016

Une petite note



Quand l’orchestre eut fini de jouer, le public resta silencieux.

Les musiciens interloqués se sont regardés, ont regardé le chef d’orchestre qui, lui-même,  s’est  retourné vers la salle, puis vers les coulisses, sans qu’aucune explication ne vint. 

C’est alors qu’il aperçut une petite note qui était là, au-dessus de la scène, comme suspendue…

Un fa dièse ou un mi bémol, peu importe !

Elle était là, perchée sur sa ligne, comme une hirondelle abandonnée par ses consœurs, immobile, tremblante, silencieuse…

« Il y a quelque chose qui croche », dit mon voisin.

Chut !!!

La salle était mieux que silencieuse, elle ne respirait plus.

Mais qu’est-ce qui lui arrivait à cette petite note ? On l’a voyait passer régulièrement, gaie,  vivante, enjouée…

Et là, elle s’était arrêtée, d’un seul coup. 
Voulait-elle nous dire quelque chose ? Voulait-elle qu’on l’applaudisse seule ? Voulait-elle mourir ?

Le violon tenta de la raisonner en lui envoyant sa meilleure copine, mais elle refusa de la suivre.
Le tambour se lança dans un roulement des plus sonores pour la sortir de sa torpeur, mais elle ne broncha pas.
Le tuba et le piccolo entamèrent un duo hilarant, mais rien n’y fit.

C’est à ce moment qu’au fond de l’orchestre, un petit homme s’est levé, et montrant son triangle, a dit : « pardon, je me suis endormi… »

Alors, le chef d’orchestre fit rejouer entièrement la symphonie, propulsant à nouveau des milliers de notes dans l’espace, et quand le silence revint, la salle se mit debout et applaudit comme jamais.

La petite note avait disparue…   

mardi 1 mars 2016

La dame du château



Elle m’avait donné rendez-vous dans une sorte de petit château moderne.

Elle avait un joli sourire et m’a fait asseoir dans un fauteuil bas, peu confortable.
On a bavardé un long moment.
Elle avait l’air intimidée, mais je l’ai sentie passionnée.
Elle m’a fait parler de moi, de mes désirs, de mes anomalies, de mon entourage, de ma vie et du reste...
Elle avait l’air hésitante, mais je me suis senti en confiance.

Puis elle m’a proposé une ballade.
Nous avons traversé un petit champ qui jouxtait le château, avec un pommier au milieu.
Puis, à l’autre bout, nous avons suivi un sentier étroit qui pénétrait dans une forêt.
Arrivés à une fourche, elle m’a demandé de choisir : à gauche, le sentier montait vers une clairière baignée de soleil, à droite, il descendait dans la forêt qui semblait à cet endroit plus touffue, plus sombre.

J’ai pris à droite.
Elle marchait derrière moi, et se mit à parler tout doucement, en se rapprochant pour que j’entende mieux.
Elle disait des mots apaisants comme si elle avait senti que je n’étais pas très rassuré.
J’étais bercé par sa voix enfantine.
Je me souviens juste qu’elle m’avait parlé du bien et du mal, du jugement des autres, du choix qui nous revenait « in fine ».

Quand nous sommes sortis de la forêt, le chemin s’est élargi et elle s’est placée à mes côtés. 
Elle m’a dit : « si tu devais aller dans un endroit où tu te sens bien, tu irais où ? »
J’ai répondu sans hésiter : « sur le chemin des douaniers au bord de l’océan. »

Elle m’a pris par la main et m’a entrainé avec elle.
J’ai eu envie de fermer les yeux et mes yeux se sont fermés.
On a marché un long moment en silence, et bientôt j’avais la mer en face de moi.
Puis on s’est arrêté.
J’écoutais le ressac, je sentais l’écume, et la grande bleue s’étendait à l’infini.
Alors, elle m’a pris les deux mains, m’a fait faire un demi-tour sur moi-même et m’a demandé ce que je voyais à présent.
Je n’ai pas osé répondre, et j’ai ri. Le paysage, qui devait désormais se trouver derrière moi, était toujours en face de moi.
Elle n’a pas insisté et on est rentré.

On a pris congé devant le château.
Je suis resté immobile et je l’ai regardé s’éloigner.
C’est quand elle s’apprêta à franchir la porte que j’ai pu enfin reprendre ma respiration.
Alors j’ai dit : « on se revoit ? »
Elle n’a pas répondu. Elle a juste tourné la tête vers moi et elle a souri.