samedi 19 décembre 2015

Le papillon bleu



La danseuse semblait lasse et son regard se perdait dans les lumières d’avant-scène.
Elle était vêtue de bleu avec de longs voiles en tulle qui lui donnaient un air de papillon.
D’ailleurs, elle dansait comme un papillon : légère, fragile et éphémère.
La musique était forte et massive, mais elle l’enrobait et la soulevait à la manière d’une tornade lente et précautionneuse.

J’ai connu un papillon bleu, il y a quelques années.
C’était l’été.
J’ouvrais la fenêtre de mon salon chaque jour de bonne heure afin de profiter de la fraicheur du matin.
 Lui, il arrivait aussitôt, rentrait, virevoltait un peu, puis se posait sur une sculpture en terre en forme d’arbre qui trônait sur la cheminée.
Et quand la température extérieure montait, comme s’il sentait que j’allais refermer la fenêtre pour garder le frais dans la maison, il sortait et disparaissait dans le jardin.

Dans la salle, il y avait un homme un peu rustre, taillé comme un déménageur.
Il fixait intensément la danseuse avec un regard plein de regrets.
En fait, il venait tous les soirs et s’installait sur un tabouret près du bar, commandait une bière en parlant doucement et repartait à chaque fois juste avant la fin du spectacle.
Et puis un jour, il n’est pas venu, le lendemain non plus et le troisième jour, la danseuse est tombée.

Comme le papillon bleu… Un jour, il n’est pas venu, le lendemain non plus, et le troisième jour, j’ai compris que tu ne m’aimais plus.