dimanche 21 octobre 2018

Fulgurances




Un bateau quittait le port.

C’était un petit port sans prétention avec ses modestes maisons délavées par les embruns salés, proches les unes des autres pour résister aux rudes hivers. Un peu comme ces villages de moyenne montagne aux ardoises épaisses et aux fenêtres étroites.
Une de mes grands-mères habitait un de ces villages. Pas la grande bourgeoise parfumée de la « haute » société. Non, l’autre, la paysanne aux mains calleuses chez qui j’aimais aller en vacances quand j’étais petit.
Celle qui cachait ses bouteilles d’alcool quand ses filles venaient la visiter…
Je me souviens d’ailleurs que ces journées étaient nourries de conversations ennuyeuses et de lieux communs qui tranchaient fortement avec les fulgurances de cette femme quand les soirs ordinaires approchaient à pas de loup…
Le monde se peuplait alors de créatures princières, de lutins enjôleurs, de bonheurs envoutants, de rêveurs ahuris, de parfums drolatiques, de révoltés gracieux qui montraient le chemin pour aller à la nuit…
La nuit est un mystère où l’on se tient serrés de peur de s’envoler.
La nuit est un cri retenu, un désir contenu, un vieillissement triste.
La nuit est une larme douce, inutile et silencieuse et aux premières lueurs du jour, j’aime me précipiter sur la digue de ce petit port familier pour guetter un nouveau signe de la vie.
 

Une mouette en donnait le signal et un bateau quittait le port…