mardi 16 juin 2015

La java



Quand Germaine m’a dit « je t’aime »
Je suis devenu tout blême,
Faut dire qu’à l’accordéon
Marcel était en faction.
Il balançait des rengaines
A faire pisser les sirènes
Quand Joseph à son piano
Se lâchait sur un solo.

Et la java, dans la nuit, avait des airs de chat gris,
Et la java, dans le noir, la couleur du désespoir…

Quand Simone pris son trombone
On aurait dit la Sorbonne,
Ça volait dans tous les coins
Et nous on n’était pas loin.
On admirait ses guiboles
Placées en tête de gondole,
On voulait mourir pour elle
Avec ou bien sans échelle.

Et la java, dans la nuit, avait des airs de chat gris,
Et la java, dans le noir, la couleur du désespoir…

Quand la rousse a hurlé « pouce »
J’ai commandé une mousse,
Et Gérard dans son placard
M’a dit qu’il était trop tard.
Trop tard pour la bagatelle,
Trop tard pour la mortadelle
Mais jamais pour le violon,
Le cor et le balafon.

Et la java, dans la nuit, avait des airs de chat gris,
Et la java, dans le noir, la couleur du désespoir…

Quand Joséphine assez fine
A demandé une biguine,
J’ai pensé que j’n’avais pas
Su garder mon ventre plat.
Mais comme j’avais les mains douces,
Je lui ai glissé en douce :
Ne t’occupe pas du basson,
Aide-moi à mettre du charbon…

Et la java, dans la nuit, avait des airs de chat gris,
Et la java, dans le noir, la couleur du désespoir…
J’étais devenu celui à qui on avait tout pris,
Il me restait cette histoire qu’la java m’avait fait croire…

mardi 2 juin 2015

Pensée du jour

"Quelquefois, il faudrait se demander de quoi un poète ne parle pas pour comprendre sa poésie"

Harry Martinson

lundi 20 avril 2015

Une idée



Une idée m’a traversé l’esprit.

C’était le matin, je prenais mon petit déjeuner, et elle est entrée.

Au début, ça m’a un peu gêné parce que ma tête n’était pas très bien rangée, mais je l’ai regardée franchir le pas de la porte, et elle n’a pas semblé y prêter attention.

Oh, ce n’était pas une idée fulgurante, qui m’aurait sorti de mes rêves à grand fracas.

Non, c’était même une idée plutôt tranquille.

Une vieille idée, avec un parfum que je connaissais, frais, discret, sensible…

Je lui ai souri. Ça me faisait plaisir qu’elle soit là.

C’était une vieille idée, mais certainement pas une idée noire.

Elle avait même des couleurs de dessins d’enfants, un peu pâles, un peu maladroitement appliquées, mais généreuses et souriantes.

Et elle avançait doucement à travers mes pensées, en prenant garde de ne pas les bousculer.

Une idée neuve aurait sans doute  tout renversé sur son passage, piétinant tour à tour mes peines de cœurs, mes souvenirs de jeunesse, mes traces de baisers, mes vieux cafards et mes bouquets séchés.

Non, cette vieille idée avait la ride respectueuse et bienveillante.

J’aurais pu fermer les yeux, je la sentais progresser.

Elle avançait très doucement, mais attention, ce n’était pas une idée fixe, fort heureusement… Elle m’aurait rappelé de vieux démons qui paralysent une vie.

Et cette idée là respirait la sagesse, la patience, la modestie, le bonheur…

Ça a duré quelques secondes, des minutes sans doute et elle est sortie côté jardin.

Je suis resté silencieux un long moment et puis j’ai rassemblé mes propres idées, celles qui avaient élu domicile dans mon crâne.

Et j’ai trouvé qu’elles étaient… bien plus claires que d’habitude…